vous allez voir
ça prendra chacun de ses chums par la taille
ça cirera sa moustache et froissera sa robe
ça s’appellera moi
ça jouera au soccer et ça se teindra les cheveux
ça chantera à manhattan et ça courra dans les brindilles
ça s’écrira en zigzag
ça aime déjà dire non
devant le miroir ça pratique son rire de sorcière
ça flexe ses quelques muscles
ça lit son visage
attentivement
ça étudiera la chimie la mode la mécanique la rêverie
ça n’aura pas d’enfants ça lira des spirou à son grand-père
ça défiera chacune de ses blondes au bras de fer
ça désapprendra à choisir
ça désinstallera snapchat
ça posera nu.e à l’école des beaux-arts
au centre des chevalets ça rira avec les artistes
des fautes dans son prénom
on comprendra mal
on l’attendra dans la rue avec des mots pleins de clous
de quoi lui construire une charpente
vous allez voir ce que vous allez voir
ça dansera dans les boutiques
ça aimera mille fois sans se tromper
ça voyagera pour se consoler de la mort
ça sera cruel.le et ça en pleurera
le temps finira par lui tacher le corps
ça apprivoisera ses béquilles
au centre des piluliers ça rira avec les infirmières
ça ne se sera jamais autant ressemblé
ça fuira en jaquette d’hôpital
ça cherchera le cœur de la forêt
ça s’appellera survivre au passé des autres
Faux Acadien de naissance, Éric LeBlanc a eu la piqûre de la littérature très jeune, alors qu’il « écrivait » des livres de Schtroumpfs dès l’âge de 4 ans (sans demander les droits d’auteur). De 2013 à 2017, il a fait partie du Collectif Exond&, un regroupement d’auteur.e.s de la relève qui se sont mis en bobettes et en cagoule pour réciter de la poésie performée lors du Mois de la poésie (éditions 2014 à 2017) et aux Chantiers du Carrefour international de théâtre (édition 2017). De 2015 à 2018, il codirige également l’Escouade créative, un collectif de trois artistes littéraires qui produit des événements multidisciplinaires déjantés. Éric a été finaliste au Prix de poésie Radio-Canada 2016 et semi-finaliste au Prix de la nouvelle Radio-Canada 2017. On a pu le voir réciter des textes (habillé, cette fois) notamment dans le cadre de Québec en toutes lettres et du Off-Festival de Poésie de Trois-Rivières en 2017. En 2020, il publie un livre intitulé Le bleu des garçons aux éditions Hamac.
Quand il n’écrit ou ne performe pas, Éric fait de la photo pour la compagnie Atwood Photographie, qu’il a cofondée, il danse le gumboot avec Les Malchaussées, monte des vidéos et écoute beaucoup trop de séries américaines #mauditsoistunetflix.
Sa vision de la poésie
Rappeler à la réalité qu’elle a menti.
En un mot : battante. Erika Soucy fait sa place sur la scène littéraire de par ses multiples talents et sa plume rentre-dedans et nécessaire. Poète et romancière, comédienne, militante, chroniqueuse, mère de deux enfants et pâtissière du dimanche (selon son fil Instagram) : elle sait utiliser la scène et les mots pour mettre de l’avant ses vues sur le monde tout en restant une bonne vivante. Son imaginaire nous ramène souvent à la Côte-Nord, d’où elle est originaire, et nous fait entrer dans la routine de ses habitants, maudits par la fuite des jeunes générations pour les grandes villes et par la sombre fatalité du quotidien. Son écriture autofictionnelle qui s’attache à la nostalgie pointe du doigt les beautés et les impasses de la vie en région tout en touchant à quelque chose d’universel. Mais Soucy sait montrer toutes les facettes d’un objet : l’humour n’est jamais bien loin de la contemplation et des tragédies ordinaires pour nous rappeler que tout est un jeu de nuances.
maman a découvert
qu’elle pouvait mettre ses jours
dans des pots mason
des pyjamas
des robes
justine et the young and the restless
elle chauffe au micro-ondes
se fait des tatas dans le reflet de la porte
Extrait de Cochonner le plancher quand la terre est rouge
Moitié Américain, moitié Anglais, 65 % poète, 25 % dramaturge et 10 % autres types d’écrits, Thomas Stearns (dit T. S.) Eliot est 100 % littéraire et est l’un des poètes occidentaux les plus influents du XXe siècle. S’il ne produit pas beaucoup (comparativement à ses contemporains) tout au long de sa vie, c’est qu’il a un souci de la perfection qui le pousse à constamment peaufiner ses œuvres. Pour son temps, il est un défricheur : son ton bouscule, ses thèmes surprennent, sa voix s’élève contre celles du passé. Il fera son chemin : ses écrits lui valent d’ailleurs le prix Nobel de littérature en 1948. Son style fluctue avec le temps, donnant l’heure juste sur l’actualité par son regard éclairé sur les gloires et les misères des êtres nés à l’époque des grandes guerres. Il joue habilement avec la philosophie, le regard sur soi et la description narrative pour donner un éclat étrange à tout ce qui nous entoure. Eliot influence même l’art d’aujourd’hui : les admirateurs de Lana Del Rey reconnaîtront d’ailleurs les vers suivants tirés de « Burnt Norton », qu’elle récite de son envoûtante voix dans Honeymoon.
Time present and time past
Are both perhaps present in time future,
And time future contained in time past.
If all time is eternally present
All time is unredeemable.
What might have been is an abstraction
Remaining a perpetual possibility
Only in a world of speculation.
What might have been and what has been
Point to one end, which is always present.
Footfalls echo in the memory
Down the passage which we did not take
Towards the door we never opened
Into the rose-garden.
Extrait de « Burnt Norton »
Four Quartets
À noter : l'écriture inclusive, employée par l’auteur, est un outil destiné à lutter contre les inégalités et les stéréotypes liés aux genres.