Les cinq étoiles
ne sont pas pour moi.
J’étais serveur au Ritz, quand nous étions dans le jus, le maître d’hôtel gueulait : plus vite!
Tomber est ce qu’il me faut.
Puis, le courant.
Petites rivières
cris mouillés
voix
qui n’a d’autre intention que d’abandonner.
Mes poèmes t’ont-ils déjà fait pleurer ?
Combien d’étoiles leur accordes-tu ?
Mon cœur sèche sur la corde à linge.
Je le plie en quatre et le range avec mes t-shirts de Mathieu Arsenault.
Les soirs de poésie, je l’arrose d’histoires.
Il s’hydrate gros comme la lune
éclipse mes étoiles problématiques.
Ne m’accorde pas d’étoiles.
Nous serons quittes
sans étoile fixe.
Hector Ruiz est professeur au Département de français et de littérature du Collège Montmorency. En 2011, il est lauréat avec Dominic Marcil du Prix d’innovation en enseignement de la poésie du Festival international de la poésie de Trois-Rivières. Par ailleurs, en 2015, il reçoit une mention d’honneur de la part de l’Association québécoise de pédagogie collégiale pour son engagement dans diverses actions pédagogiques et littéraires. Il a publié quatre recueils de poésie aux Éditions du Noroît (Qui s’installe ?, Gestes domestiques, Désert et renard du désert et Racines et fictions), ainsi qu’un essai écrit avec Dominic Marcil : Lire la rue, marcher le poème. Aux Éditions Triptyque, il a dirigé le collectif Délier les lieux (2018) et fait paraître, avec Dominic Marcil, Taverne nationale (2019), un livre à la croisée des genres : la poésie, la correspondance et la chronique historique. Ses textes se retrouvent dans plusieurs magazines et certains ont été traduits en anglais dans New American Writing et Arc Poetry Magazine.
Sa vision de la poésie
Quand j’écris, l’expression de soi n’a d’égale que l’expression poétique.
Quand j’écris, la voix du poème a la même importance que ma voix individuelle.
Quand j’écris, je n’oublie jamais ce vers de Michel Beaulieu : comment le dire sans le dire et le dire pourtant ?
René Lapierre a publié des études, des essais, des articles, des textes sur l’engagement social et politique, des romans et des recueils de poésie. Depuis 1994, tous ses livres sont parus aux éditions des Herbes rouges. Ce poème en prose de René Lapierre m’accompagne depuis plusieurs années. Ce poème utilise d’ailleurs certains éléments formels souvent liés au roman ou à la nouvelle. Il n’a pas seulement recours à une forme narrative, mais également aux personnages, événements et actions associés au genre romanesque. Ce renversement des genres permet d’établir une situation vraisemblable, mais également de contrer un certain lyrisme personnel au profit d’une voix qui sonne et qui apparaît comme étant juste malgré sa marginalité.
Nous étions là toutes les quatre, Gilian, Jayne, Laurence, et Mazzie s’est amenée avec deux garçons de l’East Side. Elle était complètement partie, ils n’arrêtaient pas de la toucher, j’en étais écœurée; Jayne aussi je crois bien, et Gilian me regardait de temps à autre en secouant la tête, est-ce que ça va cesser, pour l’amour, Mazzie, est-ce que ça va finir. Mazzie avait fermé les yeux, elle était tellement pâle, je pensai comme de la cire, je regardai ses mains, ses ongles bleus, des mains de cire. L’un des garçons lui retira ses bagues, Gilian cria leave her alone, ils nous regardèrent sans rien dire puis finirent par s’en aller. Mazzie dormait toujours, je lui remis ses bagues, ses mains étaient glacées. Je pensai it’s over now et j’étais fatiguée, brisée mais je n’avais pas peur. I had no fear, I had no pain, all I felt was love and sorrow. J’aurais voulu l’emmener très loin, disparaître avec elle, je ne sais pas comment.
Extrait de Love and Sorrow
Corinne Larochelle enseigne la littérature au Collège de Maisonneuve. Elle a écrit un recueil de récits, plusieurs recueils de poésie et deux romans. Femme avec caméra a été publié en 2011. Dans ce recueil de poésie en prose et en vers libres, le travail de la poète se met au service de l’autre. En effet, la poète a décidé d’aller à la rencontre de la vie et de l’œuvre de la photographe Diane Arbus. Il est fascinant de pouvoir lire ici la sensibilité de l’auteure à travers le prisme sensible de la photographe. La rencontre entre deux imaginaires donne à voir comment une subjectivité peut s’éprendre d’une autre subjectivité jusqu’à l’effacement de soi, jusqu’à l’apparition de soi comme un autre !
Un jour ou l’autre une guerre arrive et nous défigure. Nous voilà avec trois nez, une cicatrice au milieu du front, une bouche ouverte sur l’obscurité. La peau infirme, nous avançons sur un fil invisible. Nous savons que là, coincé dans cette fermeture éclair, loge un cri effroyablement monstrueux.
Extrait de Femme avec caméra