[22 h 37] Octobre se meurt bientôt. Je sais et tu sais qu’à l’arrivée de la neige au sol je deviens casanier. Tu me l’as fait remarquer le printemps passé. J’avais côtoyé l’hiver de loin, enfermé avec mon ex-blonde. Toi et moi n’étions que des amis.
L’an dernier, j’avais écrit ce poème sur un coin de napperon au resto. Sans savoir qu’il s’adressait à toi. C’était bien avant que je saisisse que nous étions un continent.
« une main sur mon épaule
et ma journée qui surpasse toutes les autres
ta main
juste elle
et je souris naïvement
puis tu t’éloignes et tout reprend sa place »
[0 h 12] C’est quétaine, je sais. Aujourd’hui, je le dirais autrement. Je ne sais comment. Mais lorsque je trouverai, je sais que ça sera différent. J’ai le réflexe de me refermer. Ce début de nuit est une piste où tout roule rapidement dans la tête. Rien ne paraît de l’extérieur. Ma mère comprendrait la supercherie.
[1 h 15] Aller dormir est une option. Le temps file comme sur une montre pendant un examen de maths. Te texter est une option. Dimanche s’effondre sur un début de semaine sans toi.
Depuis plus de 30 ans, Pierre Labrie donne des conférences ainsi que des ateliers d’écriture et d’alphabétisation, en plus de participer à des spectacles de poésie. Il est l’auteur de plusieurs titres pour les adultes et la jeunesse. Entre autres, il a reçu le Prix de la littérature Gérald-Godin 2015 pour À minuit, changez la date et le Prix littéraire des enseignants AQPF-ANEL 2013 avec Nous sommes ce continent. Il recevra une seconde fois ce prix avec Un gouffre sous mon lit en 2015, publié chez Soulières éditeur, en plus de remporter le Grand Prix de littérature jeunesse de la Montérégie. Il est aussi lauréat du Prix de poésie Rina-Lasnier en 2011 pour Mémoires analogues ainsi qu’en 2014 avec Ajouts actuels aux révélations.
Sa vision de la poésie
La poésie est une façon de dire le réel en le faisant dérailler juste assez pour qu’il paraisse encore plus réel, permettant ainsi à la tête et à l’œil de se faire leur idée de ce réel.
Jean-Marc Desgent est de ces poètes contemporains qu’il est facile de jalouser. Plusieurs ont, en cachette ou ouvertement, désiré avoir écrit ses Vingtièmes siècles. Malgré la panoplie d’honneurs que Jean-Marc Desgent a remportés, il reste encore aujourd’hui un poète qui n’est pas reconnu à sa juste grandeur. Il a marqué bon nombre de poètes québécois des générations qui l’ont suivi. Lire Jean-Marc Desgent, c’est lire une part du monde enfermée dans un être qui pense et voit avec lucidité ce qui l’entoure. À la fois intimiste et ouverte sur le monde, la poésie de Jean-Marc Desgent se compose de mélodies et de vers tranchants.
[…]
J’ai le corps qui rend malade, c’est quasiment la vérité et le vertige. J’ai la peur, le trou dans les yeux qu’on voit tout de suite, je suis tout terrestre, j’ai la maladie de la Terre, j’ai l’amour habité qui est des routes d’effondrements, plein jour, plein air et grands poumons.
Extrait de Vingtièmes siècles
Roland Giguère est l’un des poètes les plus marquants du Québec. Typographe, peintre et poète, il est aussi connu pour avoir fondé les Éditions Erta, qui publieront les poètes importants de sa génération. On parle souvent de lui comme ayant été un artiste à l’avant-garde de son époque. C’est pendant qu’il est encore étudiant que Roland Giguère publie ses premiers poèmes.
Deux séjours en France, où il étudie la gravure, lui permettront de fréquenter André Breton et le mouvement surréaliste. On dit de Giguère qu’il ne gardera du surréalisme, dans son écriture, que son « état d’esprit », offrant une poésie qui possède à la fois la simplicité, la liberté dans la langue et la force rythmique d’une percussion.
Roland Giguère est de ces poètes qui ouvrent des voies le pied devant et, encore aujourd’hui, les jeunes poètes reconnaissent ses éclats et suivent ses traces.
[…]
Bientôt le volcan sonnera midi et je serai dans sa bouche crachant moi-même le feu et la lave qui envahiront des milliers de villages squelettiques où vivent des êtres éteints, sans le moindre regard d’espoir, sans le moindre chant sur leurs lèvres écroulées comme une dentelle. Je serai au centre du feu, explosant comme une grenade, projetant partout le sang avalé depuis vingt années, le sang qui depuis vingt ans va du cœur à l’extrémité des doigts et revient sur ses pas, chaque fois plus exténué, plus pâle et plus découragé de ne pouvoir aller plus loin.
Extrait de L’âge de la parole