Parce que sous le lisse des jours
les crevasses fatales de silences
les abysses de manques
les tempêtes insaisissables
tu le sais
Parce que dans le fixe des jours
la dévoration des corps du vivant
le déni des corps du vivant
la soumission des corps du vivant
a cours
et tu le sais
depuis la paume de ta main
jusqu’à l’inavouable de tes rêves
Il te faudra faire chair avec ton cœur
à chaque doigt porter ton visage poser
des gestes qui éclairent bercent tissent
gestes braves
Qui construisent ta peau
chorégraphiée par l’air
depuis l’intérieur
au plus intime le mouvement
en toi demeure
Il te faudra te reconnaître
un mot à la fois
faire tri
du bancal
trouver le simple
moi aussi
je te crois
moi aussi
j’existe encore
debout
moi aussi
je refuse
moi aussi
je ne laisserai pas
moi aussi
encore là
moi aussi
cet espace
moi aussi
je le prends
moi aussi
je répète et je l’ose
moi aussi
un léger déplacement
moi aussi
une violence de moins
moi aussi
plus forte avec toi
comme un poème
Poète, artiste de performance et directrice artistique, Marie-Paule Grimaldi inscrit sa démarche dans la rencontre et la communauté. Elle a conçu et dirigé les spectacles Des filles qui ont de la gueule (Francofolies de Montréal de 2009 à 2011, Festival international de la littérature en 2012). De 2012 à 2017, elle a codirigé les soirées mensuelles Slam Sessions Montréal. Elle présente ses performances notamment au Festival Phénomena en 2014, à la Maison de la Poésie d’Avignon en 2016 ainsi qu’en 2017 dans le cadre du Avignon Off. On a pu la voir dans plusieurs festivals de poésie et dans des événements à caractère social. Elle s’implique dans divers projets d’art communautaire et crée des événements participatifs avec le grand public autour de la littérature.
Elle a publié aux Éditions Rodrigol les recueils Lame crépuscule (2014) et Archéologie de la présence (2023), le fanzine Fudosei (2015), le livre d’art Little Beast (2016). Ses poèmes et de courts essais sont aussi parus dans différentes revues au Québec et en Corse. Marie-Paule Grimaldi est également médiatrice intellectuelle, culturelle et sociale. Elle anime des ateliers d’écriture et de philosophie dans les milieux communautaires, carcéraux, scolaires et culturels, et travaille avec des personnes marginalisées, criminalisées ou en dificulté, ainsi qu’avec des communautés des Premières Nations et inuites. Elle fonde la compagnie artistique Debout : Actes de paroles au printemps 2018.
Sa vision de la poésie
La poésie est pour moi une manière d’exister, d’offrir un espace aux intensités, d’inviter à la rencontre.
Pauline Dugas est une poète acadienne de Caraquet, ainsi qu’une artiste visuelle et directrice artistique très impliquée dans sa communauté. Sa poésie est forte de la nature, de ses cycles et de ses fulgurances, d’une grande solitude qui n’est pas tout à fait seule.
Sa poésie me repose et m’éveille à la fois. Ses poèmes sont comme des traces d’existence, des petits cailloux qui accompagnent mon chemin.
La mort érige en nous de rouges architectures
Car tu le sais trop bien
Façonnière
Elle est
Extrait de « En ses landes », dans Fragment d’eau
Pessoa est l’homme aux 75 noms, un poète, essayiste, philosophe et traducteur portugais. L’auteur du Livre de l’intranquillité a écrit intensément, mais sa mort précoce a signifié sa reconnaissance essentiellement à titre posthume.
Pessoa est insaisissable, on dirait que c’est lui qui nous trouve. Sa poésie est aussi mystique que lucide, pragmatique que philosophique. J’aime l’éclatement qu’il porte en lui, sa capacité à danser avec le complexe et le multiple au sein du réel. Quand on trouve en poésie une sensibilité commune, on trouve un frère, même s’il n’est que de papier.
Je ne suis rien
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.
Fenêtres de ma chambre,
de ma chambre dans la fourmilière humaine unité ignorée
(et si l’on savait ce qu’elle est, que saurait-on de plus?),
vous donnez sur le mystère d’une rue au va-et-vient continuel,
sur une rue inaccessible à toutes les pensées,
réelle, impossiblement réelle, précise, inconnaissablement précise,
avec le mystère des choses enfoui sous les pierres et les êtres,
avec la mort qui parsème les murs de moisissure et de cheveux blancs les humains,
avec le destin qui conduit la guimbarde de tout sur la route de rien.
Je suis aujourd’hui vaincu, comme si je connaissais la vérité
Extrait de Bureau de tabac