Alors,
transperçant mon crâne,
cette musique qui s’attaque à la mort.
De l’acide, des étoiles, de la liberté agile,
toute musique s’attaque à la mort.
Puis c’est soudain le retour
du vieil ami imaginaire,
voilà longtemps perché sur mes épaules
quand j’inventais la joie de penser.
Perché encore, bottes d’orage et bijoux d’acier,
il murmure aujourd’hui : Dis-moi, tu vois?
Chaque œil au bout d’une tige,
le contour des mots chair cuir et lait,
il murmure : Regarde…
Et murmure : Là celle-là.
Voix d’elfe, de chat, de chien,d’amant et d’amante,
il murmure : Elle traverse indemne la lumière.
Je laisse la musique s’attaquer à la mort
toute musique fabrique le cœur,
toute musique est une arme et une peau.
J’imagine cette fille en ruptures de miroirs
ignorer le sens et les règles.
L’ami, casqué, bagué, murmure : Jade rose.
Et murmure : Du sang de jade rose.
Je la vois bouger
comme une collection d’heures
passées à inventer la joie de rêver.
L’ami murmure : Elle est la complice de la soie.
Je fais signe que non que oui.
Elle pourrait tenir dans ses mains
le danger et le doux.
Je fais signe que non que oui.
La musique n’est pas un pont,
mais un fleuve grouillant de fauves.
L’ami murmure : Salive de jade blanc.
Cette fille me voit et fait signe que non que oui.
Né à Trois-Rivières, Roger Des Roches vit à Montréal. Il a publié ses premiers poèmes dans le numéro 2 (décembre 1968) de la revue Les Herbes rouges et son premier recueil de poésie, Corps accessoires, aux Éditions du Jour en 1970. Depuis, il a publié 38 ouvrages (poésies, romans), la plupart aux Éditions les Herbes rouges, qui ont marqué la littérature québécoise contemporaine.
Plusieurs de ses ouvrages ont été mis en nomination pour des prix littéraires prestigieux (Émile-Nelligan, Gouverneur général, Terrasses Saint-Sulpice de la revue Estuaire, Aurora, Grand prix du livre de la Ville de Montréal, Palmarès Communication-Jeunesse, Grand Prix Québecor du Festival international de la poésie). En 1992, son recueil La réalité méritait le Grand Prix de poésie du Journal de Montréal. Son recueil Nuit, penser a obtenu le Grand Prix du Festival international de poésie de Trois-Rivières 2001. En novembre 2013, le gouvernement du Québec lui remettait le prix Athanase-David « pour son œuvre remarquable et la qualité exceptionnelle de sa contribution au développement culturel de la société québécoise ».
Son premier roman jeunesse, Marie Quatdoigts marque un tournant dans sa carrière. Il publie en 2014 son premier roman pour ados, Boîtàmémoire.
Son plus récent recueil de poésie s’intitule Faire crier les nuages.
Sa vision de la poésie
La poésie est entrée dans ma vie – à 13 ans! – de façon si naturelle, si… facile, que jamais je n’ai pris le temps de réfléchir à la manière dont je pourrais la décrire. Disons donc que – et je parlerai ici de mes propres textes – chaque poème pourrait se révéler une équation, et qu’il y a le beau, dans l’équation, l’élégance, mais l’étrange aussi, la « violence » de l’image, le choc des rencontres entre certains mots, certaines images, l’étonnement devant un vers qui déstabilise, fait penser (et fait écrire). La poésie, la mienne toujours, c’est une certaine représentation du réel, mais surtout sa réinterprétation, des choix provenant de la réflexion, mais aussi par des effets du hasard, des coups de dés inconscients, des dérives, une construction ludique, dans laquelle tout peut s’installer : joie, détresse, désir, colère.
André Breton est un essayiste théoricien du surréalisme, poète et écrivain, né à Tinchebray dans l’Orne (France). Il est l’auteur, entre autres, des livres Nadja, L’amour fou et des différents Manifeste du surréalisme. Il a été le chef de file du mouvement surréaliste et a publié une œuvre majeure qui explore les limites de l’inconscient ainsi que celles du langage à l’interpréter et à le mettre en scène.
J’avais lu Denis Vanier avant même d’entendre parler de Breton. J’avais lu Tristan Tzara avant de lire Breton. Avec Tzara (L’homme approximatif, 1931), j’ai découvert la force brute des images surréalistes; avec Breton (Clair de terre, 1923) leur élégance et leur fulgurance. Breton m’a inspiré dans mes premiers poèmes et il m’a encore inspiré – près de 50 ans plus tard – dans l’écriture de mon plus récent recueil, Le corps encaisse (Les Herbes rouges, 2015).
La ronde accomplit dans les dortoirs ses ordinaires tours de passe-passe. La nuit, deux fenêtres multicolores restent entrouvertes. Par la première s’introduisent les vices aux noirs sourcils, à l’autre les jeunes pénitentes vont se pencher. Rien ne troublerait autrement la jolie menuiserie du sommeil. On voit des mains se couvrir de manchons d’eau. Sur les grands lits vides s’enchevêtrent des ronces tandis que les oreillers flottent sur des silences plus apparents que réels. À minuit, la chambre souterraine s’étoile vers les théâtres de genre où les jumelles tiennent le principal rôle. Le jardin est rempli de timbres nickelés. Il y a un message au lieu d’un lézard sous chaque pierre.
« Épervier incassable » (dédié à Gala Éluard)
Extrait de Clair de terre
Denis Vanier est originaire de Longueuil. Il publie dès l’âge de 16 ans un premier recueil intitulé Je (Image et verbe éditions, 1965). Sa poésie empreinte de révolte fait dire à Claude Gauvreau qu’il est « un véritable terroriste du verbe ». Il participe à la rédaction de plusieurs revues et journaux, est journaliste et reporter pour Attitude et gérant d’une librairie laboratoire à New York. Il est l’auteur des recueils Pornographic delicatessen (Estérel, 1969), Comme la peau d’un rosaire (Parti pris, 1977) et L’urine des forêts (Les Herbes rouges, 1999) pour lequel il obtient le Grand Prix du livre de Montréal en 2000.
(Source : Bilan du siècle, Université de Sherbrooke)
J’avais 14 ans lorsque j’ai vu apparaître, dans les pages d’un journal hebdomadaire, un petit article titré : « Denis Vanier : le plus jeune écrivain canadien-français ». Un poète de Longueuil (j’habitais à Longueuil). Je me suis précipité au dépanneur tout près – qui offrait une section complète de livres – et j’ai acheté ce tout petit recueil. Habitué à lire du Verlaine (Poèmes saturniens, entre autres), j’y ai découvert une forme d’écriture qui a tout fait basculer dans ma manière de lire et d’écrire de la poésie : une espèce de liberté absolue.
Je suis
à l’azur des sourires
au quai des silences
au rendez-vous des torpeurs
au bordel de l’angoisse
au mythe de la vieillesse
à la fleur du désir
à la cicatrice des paumes
« Seven days »
Extrait de Je