LES TROUBADOURS
Si l’épopée est un chant collectif, la poésie des troubadours est avant tout lyrique. Le poète fait l’expérience de l’isolement, son poème est l’expression de ses sentiments les plus intimes. Elle est néanmoins, elle aussi, un art qui rassemble : entre le XIe et le XIVe siècle, la poésie des troubadours résonne dans tout le royaume de France et au-delà, de l’Espagne à l’Italie. Elle est chantée par des jongleurs et des ménestrels, dans les cours et sur les places publiques. Inspirés par la chevalerie et l’amour courtois, les troubadours sont fidèles à leur patrie comme à l’être aimé, qu’ils célèbrent comme un objet idéal et inaccessible.
Si leurs noms sont peu connus de nos jours, c’est leur conception de l’amour, le fin’amor, qui deviendra l’un des piliers essentiels de notre imaginaire. Le fin’amor (un mot occitan signifiant « amour pur », qu’on appelle amour courtois en français) est fondé sur un respect absolu, transformant l’être aimé en être sacré. Il nous invite à considérer l’amour comme un art, un art de vivre nécessitant l’apprentissage de manières, de gestes, d’un langage. La qualité première de cet art est le dévouement. « Nul, s’il n’est courtois et sage,/Ne peut rien d’amour apprendre », écrit Chrétien de Troyes. Contrairement à l’idée reçue, cet apprentissage n’était pas réservé qu’aux hommes. Parmi les troubadours, on compte quelques femmes, comme Beatriz de Dia.
Bel ami, si plaisant et bon,
Si vous retrouve en mon pouvoir
Et me couche avec vous un soir
Et d’abord vous donne un baiser,
Nul plaisir ne sera meilleur
Que vous, en place de mari,
Sachez-le, si vous promettez
De faire tout ce que je voudrais.
Beatriz de Dia, « Grande peine m’est advenue… », traduit de l’occitan par Pierre Seghers,
Le Livre d’or de la Poésie française (1963)