BLAKE, DANTE, LES SYMBOLISTES, MICHAUX
Il n’est pas de pays, pas d’époque, qui n’ait connu de poètes visionnaires. Inspirés par des rêves, des visions, parfois sous l’influence de certaines drogues comme l’opium, ils explorent les confins de l’imagination. Ils en rapportent d’étonnantes images intérieures. L’exemple le plus célèbre est sans doute celui du poète italien Dante qui relate, dans sa Divine comédie, son voyage en Enfer, au Purgatoire et au Paradis.
Cette poésie inspirée de la vie intérieure et des rêves s’épanouit à l’époque romantique, notamment chez William Blake. Dans tous les cas, le poète s’aventure autant du côté de l’ombre que de la lumière. En France, l’œuvre de Gérard de Nerval (1808-1855) présente un mysticisme excentrique, s’intéressant aux mystères, aux choses secrètes. Il mêle des symboles venus aussi bien du christianisme que de religions obscures : « En cherchant l’œil de Dieu, je n’ai vu qu’une orbite/Vaste, noire et sans fond, d’où la nuit qui l’habite/Rayonne sur le monde et s’épaissit toujours ».
Moins religieuse, la poésie visionnaire du XXe siècle présente un monde intérieur peuplé de merveilles primitives, comme dans le Voyage en Grande Garabagne d’Henri Michaux. Roland Giguère (1929-2003) est sans doute le poète québécois le plus proche de cette tradition, rassemblant des chercheurs d’or et des plongeurs en quête de la perle noire.
la perle noire décidera du jour à venir
rondeur des heures ou instants de douleur
le tigre entrera de plein pied dans la réalité
le tigre ou le serpent sacré
toutes griffes dehors ou le venin purifié
pour un retour aux transparences premières
Roland Giguère, «La rose future », L’âge de la parole, 1956